Aujourd'hui nous allons parler TI-80, la calculatrice graphique Texas Instruments la plus mystérieuse jamais produite.
Mais plantons dabord le décor. En 1990
Texas Instruments rentrait dans la formidable aventure des calculatrices graphiques avec son tout premier modèle, la
TI-81, équipé d'un processeur 8 bits
z80 cadencé à
5 MHz.
Dans un premier temps jusqu'en 1992, différentes versions du logiciel gravé en
ROM ont défilé et sont consultables via la combinaison de touches
2nd
MATH
ALPHA
LN
:
1.0,
1.1,
1.1K,
1.5K,
1.6K et
1.8K.
Avec la sortie des
TI-85 et
TI-82 en 1992 puis 1993, la
TI-81 devint l'entrée de la gamme graphique
Texas Instruments.
Justement les
TI-81 assemblées à compter de 1993 ont subi une révision matérielle majeure. Pour mutualiser les éléments de production et ainsi économiser,
Texas Instruments leur a fait utiliser les mêmes cartes électroniques que les
TI-82 qui venaient de sortir . Quelques petites différences toutefois :
- les composants relatifs au circuit de communication étaient absents sur les cartes destinées à équiper des TI-81, puisque ce modèle était dépourvu de tout port de communication
- la puce ROM soudée sur les cartes destinées aux TI-81 conservait la capacité de 64K suffisante pour le logiciel, au lieu des 128K des TI-82
- le processeur par contre passait à 6 MHz comme sur les TI-82, et permettait donc à ces dernières TI-81 d'être un peu plus rapides
Pour gérer correctement ce matériel sensiblement différent, le logiciel
TI-81 a lui-même dû subir des adaptations majeures, distribuées sous les numéros de version
V2.00 et
V2.0V.
Et voilà nous y sommes déjà. En 1995
Texas Instruments arrête la production des
TI-81 et les remplace par un tout nouveau modèle d'entrée de gamme, la
TI-80.
Fort logiquement les versions du logiciel ici consultables via la combinaison via la combinaison de touches
MODE
ALPHA
LN
poursuivent la numérotation :
3.0 et
4.0.
Comme pour la
TI-81 pas de port de communication, à l'exception des très rares modèles enseigants dits
TI-80 ViewScreen munis d'un port
mini-Jack 2.5mm dédié aux captures d'écran.
La
TI-80 avait la particularité d'être nettement plus légère et petite que la
TI-81. Sans couvercle, on passait :
- d'un poids de 206g à seulement 110g, à peine plus de la moitié !
- d'une épaisseur de 2,22cm à seulement 1,60cm
- d'une hauteur de 17,36cm à seulement 16,18cm
- d'une largeur de 8,09cm à seulement 7,25cm
Mais tout ceci impliquait également des sacrifices :
- au lieu de 4 piles AAA, la TI-80 s'alimentait avec 2 piles boutons CR2032 nettement plus chères
- d'une définition de 96×64 pixels sur les TI-81, l'écran ne faisait plus que 64×48 pixels sur les TI-80
- en taille également, l'écran se réduisait de 2,48" à seulement 1,85"
Un modèle extrêmement mystérieux qui continue à nous résister à ce jour depuis plus de 25 ans. Nombre d'étapes clé ont pris beaucoup plus de temps que sur les autres modèles
TI de l'époque :
- 2010 : dumping partiel de 32K du logiciel en version 3.0 et 4.0, à partir de la puce ROM externe
- 2010 : dumping du logiciel en version 4.0 complété avec les 16K manquant sur une ROM interne à la puce du processeur
- 2011 : premier émulateur
- 2012 : support des TI-80 ViewScreen par le logiciel de connectivité TiLP
- 2021 : récupération enfin du logiciel de connectivité dédié officiel TI-Graph Link 80
Et toujours aucune possibilité d'exécuter des programmes
assembleur à ce jour.
En fait comme vu plus haut, il semble qu'un des objectifs de
Texas Instruments lors de la conception de la
TI-80 ait été de minimiser le plus possible les coûts de production. Et dans ce cadre il y a juste quelque chose que nous ne t'avons pas encore dit, le processeur enfermé dans la puce
Toshiba T6M53A n'est pas même pas un
z80.
Impensable de nos jours, sans doute qu'à l'époque le code encore relativement modeste du logiciel graphique
Texas Instruments permettait encore un portage pas trop coûteux pour un tout autre processeur.
Cette puce
Toshiba n'a hélas pas de
datasheet public. Une ancienne page du site
Texas Instruments donnait toutefois des informations sur les processeurs des calculatrices. À la place de
z80 pour les autres modèles elle indiquait ici qu'il s'agissait d'un processeur propriétaire, et précisait qu'il était cadencé à
980 KHz, soit beaucoup moins que la
TI-81 précédente.
Une hypothèse à partir des images récupérées de la
ROM en version
4.0, basée sur l'alignement des instructions, était qu'il s'agissait d'un processeur 16 bits. Mais ce n'était absolument pas une preuve, et pouvait être une conséquence de bien d'autres contraintes lors de la conception.
Le processeur de la
TI-80 nous restent donc encore fort mystérieux...
Une méthode populaire permettant d'identifier les calculatrices utilisant des processeurs similaires, est le test dit de la signature trigonométrique. Il suffit de calculer en mode décimal et degrés
$mathjax$Arcsin\left(Arccos\left(Arctan\left(tan\left(cos\left(sin\left(9\right)\right)\right)\right)\right)\right)$mathjax$
.
Le résultat mathématique est de 9, mais le moteur de calcul flottant de nos calculatrices répond normalement une valeur approchante.
Plus précisément, le résultat dépend du cœur de calcul utilisé, qu'il soit logiciel ou matériel. Nos calculatrices récentes permettent parfois d'accueillir plusieurs logiciels de calcul, mais généralement plus une calculatrice est simple, plus les algorithmes de calcul reposeront sur les capacités précâblées dans le processeur, ce qui est notamment le cas des calculatrices scientifiques entre autres.
Et justement, la
TI-80 répond
8.999999007884, alors que les
TI-81 trouvent
8.999999616566.
Or le logiciel
TI-80 en version
3.0 étant une évolution directe du logiciel
TI-81 en version
2.0, il semble donc ici que la différence soit due au matériel.
Et justement, la
TI-80 n'est pas la seule calculatrice à répondre
8.999999007884 au test.
C'est également le cas des
TI-68 de 1989 et
TI Galaxy 67 de 1992.
Or selon le musée
Datamath, le processeur de la
TI Galaxy 67 nous est connu. Sa puce
Toshiba TMP0620F utilise un cœur
Toshiba TMC17C, une architecture 4 bits.
Réutiliser un cœur 4 bits de calculatrice scientifique dans le contexte des économies drastiques qui semblent avoir été au cahier des charges de la
TI-80, avec comme conséquence entre autres un écran matriciel de définition bien plus modeste, cela nous paraît en effet très plausible a posteriori.
En conclusion voici donc enfin la réponse à l'énigme après près de 27 ans de mystères ; le processeur de la
TI-80 serait un 4 bits
TMC17C de chez
Toshiba, cadencé à
980 KHz.